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Vivre un christianisme renouvelé : nos lectures de mai

Dans le cadre des week-ends "Vivre un christianisme renouvelé" qui a lieu en novembre, l'équipe de préparation propose des lectures et des pistes de réflexion. Voici celles de mai...

Avenir de l'Eglise belge : dans les prochaines années…

Charles Delhez, jésuite / publication du 27/01/2023 sur la page Facebook Conférence Catholique des Baptisé-e-s Francophones CCBF

Notre Église connaît un rapide changement d’époque. Celui-ci s'annonce par des signes qui ne trompent pas : des églises sont désacralisées, la pénurie de prêtres est manifeste, la baisse des vocations, mais aussi de pratiquants est drastique. Sans aucun doute, y aura-t-il de moins en moins de grandes paroisses animées par des prêtres, des diacres ou des laïcs engagés, selon le modèle que nous connaissons encore.

Ne peut-on toutefois espérer pour l'avenir que des équipes de couples, quelques familles, des petites fraternités, un groupe de personnes engagées socialement… se rassemblent plus ou moins régulièrement au nom du Christ pour tisser des liens entre eux, se laisser interpeller par l’Évangile et célébrer la “fraction du pain” en mémoire de ce Jésus dont ils se réclament. Ce sera un tout autre modèle d’Église, plus proche des maisons-églises des premiers siècles, lorsque les chrétiens se rassemblaient dans des habitations privées.

Pourra-t-on alors mettre en place pour elles des ministères adaptés à cette figure ecclésiale? Saura-t-on inventer des nouvelles formes de services communautaires ? Ou bien laissera-t-on ces communautés sans eucharistie, interroge Andrea Riccardi, fondateur de Sant'Egidio, grand spécialiste de l’histoire de l’Église ? L'Eucharistie et les sacrements ont en effet une place importante dans la manière catholique de se nourrir de l'Évangile. Il faudra dès lors penser un autre clergé. On parle souvent d’un clergé marié. Notre historien préfère parler d’un clergé adulte, de personnes mûres, avec une solide expérience de vie.

C’est sans doute de ce modèle d’Église que, petit à petit, le futur archevêque de Malines-Bruxelles sera le pasteur. Sa tâche sera de veiller à l'unité de ces petites communautés autour du Christ et d'entretenir le dialogue entre les sensibilités différentes. Le futur habitant de Malines devra aussi se préparer à avoir une place différente dans l’État belge où les catholiques ne pèsent plus guère dans la balance. Certes, il pourra encore, au nom des croyants catholiques, prendre position sur les grands problèmes de société, mais il n’aura plus la notoriété d’un cardinal Danneels ou d’un cardinal Suenens, des grands d’une autre époque. Il ne sera plus un prince de l’église, mais le berger d’un petit troupeau. C’est l’expérience que les Juifs ont vécue lors de l’exil à Babylone. Les prophètes d’alors parlaient du “petit reste d’Israël”. Il fut à l’origine d’une renaissance.

Non seulement les chrétiens ne sont plus qu’une minorité, mais il y a d’autres religions qui gagnent en importance. Il est à souhaiter que le nouvel évêque soit attentif au dialogue interreligieux. Ces religions pourront alors s'encourager les unes les autres dans cette postmodernité qui ne leur laisse plus beaucoup de place et qui oublie toute transcendance.

Concluons en parlant d’espérance. Celle-ci commence quand on désespère de tout, disait Bernanos. Elle ne se fonde ni sur des chiffres ni sur des oeuvres, mais sur “Celui en qui nous avons mis notre confiance” et pour lequel “rien n’est impossible”, rappelait le pape François aux religieux. “Les défis existent pour être relevés”, avait-il écrit dès Evangelii Gaudium, son premier texte majeur. Il poursuivait: “Soyons réalistes, mais sans perdre la joie, l’audace et le dévouement plein d’espérance !”

Pour un CHRISTIANISME CLANDESTIN

David-Marc d’Hamonville, moine bénédictin (février 2022 dans La Vie)

« Dieu nous fait savoir qu’il nous faut vivre en tant qu’hommes qui parviennent à vivre  sans Dieu.» Voilà ce qu’écrivait un grand témoin du siècle dernier, Dietrich Bonhoeffer, exécuté le 9 avril 1945 pour avoir participé à un complot contre Hitler. Une telle conviction n’est pas le point de départ d’un agnostique dans une société indifférente au fait religieux, c’est le point d’arrivée d’un chercheur de Dieu, chrétien engagé. Je me demande s’il n’y a pas là une piste très précieuse pour les temps que nous traversons, car l’Église en France traverse un désert, un temps d’épreuves – qui le nierait ?

Et si nous nous emparions de cette réalité, notre réalité, ce vrai désert du religieux où nous cheminons déjà sans nous l’avouer ? Au lieu de détourner la tête à l’approche d’un nouveau carême en dénigrant l’ascèse, et les rites, et les cendres… Désert des célébrations, des espaces disproportionnés, des assemblées vieillissantes !

Désert communautaire, désert ministériel. Désert de la prière personnelle, rareté des échanges spirituels, pauvreté de la parole, misère des homélies qui sont trop longues dès le début. Désert de visibilité médiatique, de notre crédibilité de chrétiens dans la société qui nous entoure… La pandémie, sans nous demander notre avis, a précipité le mouvement depuis presque deux ans. Inutile d’imaginer le désert où chemine le peuple de Dieu cette année : nous y sommes !

Reste l’essentiel : la méthode, le vivre comme sans Dieu, « en tant qu’hommes qui parviennent à vivre sans Dieu »… C’est le fait d’avoir un secret, de tenir secret quelque chose d’essentiel, sans nostalgie, sans frustration. En fait, il est bien vrai que Dieu me fait vivre sans que je sache du tout comment et pourquoi. Sa discrétion est infinie. Ma foi est un mystère qui m’échappe à moi-même. Et ce qu’il veut nous dire dans cette éclipse d’aujourd’hui, nous n’en savons rien.

Refaisons le christianisme clandestin. Le plus clandestin possible. Aux antipodes du médiatique. Nos petits journaux, on se les passe sous le manteau, comme les messages codés qui permettront de trouver la route demain. Ne pas chercher à être vus. Pas de mousse, pas de décorum. Quelques signes seulement pour nous. Les signes sont vitaux, discrets mais indispensables, pour que le secret partagé vive en profondeur.

Mais, dans le visible, rejoindre chacun dans les combats qui valent la peine, avec l’un, avec l’autre, sans exclusive. Mon secret ne me coupe de personne ni de rien. Il m’oblige plutôt à vivre délibérément la vie de tout le monde, responsable à 200 % de ma vie ordinaire.

Sans cesse ma vie clandestine me renvoie vers la vie commune, comme si celle-là seule comptait, comme s’il n’y avait pas d’autre Dieu que mon prochain de chaque jour, avec pour horizon la fraternité la plus large ! La différence qui me fait chrétien n’est contre personne, elle n’a rien d’un parti, d’un étendard, elle m’ouvre seulement à toutes les autres différences, à l’infini des différences qui se mêlent et se heurtent autour de moi.

VIVRE DE DÉSIR ET DE FOI

Tel est mon secret : l’Évangile que je tiens de Jésus, d’une multitude de témoins, connus et anonymes. Je le transmets aussi en secret, sans savoir moi-même exactement quand et comment, à la manière dont germe une graine dans le sillon, le temps venu. Ne cherchons pas à maîtriser Pâques, ce n’est pas à nous d’instrumentaliser et d’orchestrer la Résurrection, cela Lui appartient. Il nous est donné seulement, et c’est beaucoup, de garder un secret précieux, de vivre de désir et de foi au milieu du monde, en révélant à tout prochain qu’il est aimable, plus qu’il ne sait, plus qu’il ne croit.

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